(well) Try to do something good.

Quand son client lui avait parlé de Well, Elizabeth l'avait d'abord regardé sans comprendre. Voulait-il lui faire savoir qu'un aveugle désirait louer ses services d'escort girl, ou... ? Mais non, il s'était empressé de lui expliquer qu'il avait pensé à elle, parce qu'il ne pouvait plus assurer son rôle de guide avec Well Armaniez, mais qu'il tenait absolument à ce que le jeune homme continue à courir. Apparemment, il était doué. Et Liz', elle était sportive. Liz', elle avait le cœur sur la main – il la connaissait depuis assez longtemps pour le savoir. Liz', elle ne pouvait surtout rien lui refuser... c'est pourquoi elle accepta de rencontrer Monsieur Armaniez, en cette première semaine d'août. Vêtue d'une tenue de jogging classique – legging, brassière, baskets – la jeune femme se rendit au point du rendez-vous : un parc de Seattle, où beaucoup de gens profitaient de la verdure et de l'air pur environnant pour faire leur jogging, justement. Elle observait les choses, autour d'elle. La circulation, puis les gens dans le bus. Les arbres, l'herbe qui se pliait doucement sous les coups de vent qui la balayaient. Que devait ressentir l'ami de son client, aveugle et incapable de s'émerveiller face à tant de détails si insignifiants ? Pour elle qui était habituée à les regarder, en tout cas. La brune soupira, et s'installa sur un banc en attendant qu'un beau brun accompagné d'un chien guide se pointe. Ils avaient rendez-vous à 13 heures, et c'était la seule et unique description que son client lui avait faite. Elizabeth attendit donc, en se demandant pourquoi elle avait fini par accepter. Et puis, elle le vit. Il était accompagné d'un chien, effectivement. Pas un golden ou un labrador, comme ce qu'elle s'attendait à voir. Mais nul doute qu'il était aveugle, elle le comprit tout de suite à son regard. La jeune femme se leva et sourit en se dirigeant vers le brun – mignon, en effet – pour finalement se rappeler qu'il ne la voyait pas. « Bonjour » lança-t-elle alors, « vous êtes Well ? » Elle tendit la main comme le lui avait conseillé son client, et attendit que la chien la renifle à son aise. Il n'avait pas l'air méchant, et elle adorait les animaux en plus de ça. « Je m'appelle Elizabeth » se présenta-t-elle ensuite, « mais vous pouvez m'appeler Liz', tout le monde le fait ». Elle sourit, se rappela de nouveau que c'était inutile et passa une main dans ses cheveux en se demandant encore comment elle allait gérer cette situation.

Il confirma à la jeune femme que c'était bien lui qu'elle attendait... même si clairement, elle s'en était douté. Mais passons, les politesses d'usage étaient faites, au moins ! Il lui dit qu'il avait l'habitude que les gens soient gênés au début, et qu'elle allait s'habituer. Elizabeth se mordit la lèvre et grimaça : il avait ressentit sa gêne, ce qui l'embarrassait encore plus. La jolie brune prit la main qu'il lui tendait et la lui serra, fermement mais pas non plus pour lui broyer les doigts. Juste assez pour lui faire comprendre qu'elle n'était pas molle, mais plutôt dynamique. « Désolée, je vous avoue que je n'ai jamais fait ça avant. En fait, je ne sais même pas au juste ce que je dois faire, il va falloir m'expliquer un peu ce que vous attendez de moi ». Elle le fixa quelques secondes : il n'avait pas l'air bien vieux, à vue de nez Liz' pariait qu'ils devaient avoir presque le même âge, en fait. « Et si on se tutoyait ? Je pense qu'on a le même âge, et... disons que ça brisera la glace plus facilement ». Elle lui reprit doucement la main, sans prévenir et l'attira vers elle en marchant à reculons. « Viens, on s'installe. Il y a un banc, juste-là ». Une fois assis, Liz' lâcha la main de Well et enroula un doigt autour d'une longue mèche de cheveux, en observant attentivement le visage du brun. Observer sans être vu, quelle drôle de sensation... à quoi s'imaginait-il qu'elle pouvait bien ressembler ? C'était étrange, comme interrogation. Elle n'avait jamais parlé à un aveugle avant, c'était vraiment nouveau pour la barmaid. « Je t'écoute, dis-moi tout. Alex a été plutôt vague avec moi, il m'a simplement dit qu'il était ton guide avant son accident, et qu'il voyait en moi une bonne remplaçante ». Mais en quoi ça consistait, au juste ?

« Désolée » fit-elle, sincère, quand Well lui dit de prévenir avant d'agir – lorsqu'elle lui avait pris la main. C'est vrai qu'elle n'avait pas pensé que ça pouvait le surprendre, ni même le faire stresser. « Je ferai plus attention la prochaine fois. C'est... un coup à prendre ». Elle soupira, et une fois installés, commença son observation du visage du brun, tout en lui demandant un peu plus de précisions par rapport au rôle de guide. Elle ne pouvait vraiment rien refuser à Alexis, mais se demandait tout de même pourquoi il l'avait choisie elle, qui n'avait absolument aucune expérience avec les aveugles. Comme dit, c'était même la première fois qu'elle en rencontrait un. Ceci étant dit, ça ne dérangeait pas la jeune femme, les personnes différentes ne l'effrayaient pas, elle n'était pas comme ça. Well lui expliqua que la confiance était la clé, et qu'il leur faudrait un peu de temps mais qu'elle pouvait devenir ses yeux, en d'autres termes. Elle sourit quand il dit aussi qu'elle devait être une bonne coureuse et faire un peu près sa taille. « Je mesure 1 mètre 75 » précisa-t-elle, « et disons que je suis meilleure boxeuse, mais bonne sportive de manière générale. Je fais des footings pour le cardio, ou du fitness ». La course à pieds n'était pas son domaine de prédilection, mais il en fallait pour se maintenir en forme. « J'imagine que le meilleur moyen de voir si on pourrait courir ensemble serait d'essayer, n'est-ce pas ? » fit-elle ensuite, en baissant les yeux vers le chien. « Il s'appelle comment ? Ton chien ? Il courre aussi avec toi ? » La jolie brune se lâchait un peu sur les questions, mais elle ne voulait pas promettre quelque chose à Well sans être sûre de pouvoir tenir sa promesse.

« J'aurais dit plus, tiens... c'est la coupe de cheveux » dit-elle sur le ton de la plaisanterie, quand il lui déclara mesurer un mètre 81 – c'était une blague, évidemment. Elle cherchait surtout à détendre un peu l'atmosphère. Il lui dit que l'athlétisme était explosif, vu qu'il s'agissait de sprint. Liz' tomba des nues, Alexis ne lui avait pas précisé qu'il s'agissait de courir... vite ! Elle pensait qu'il cherchait quelqu'un pour faire des footings avec Well. « Ah ! Alex ne m'a vraiment rien précisé, tu sais... je pensais que tu voulais faire du footing » lui avoua-t-elle donc, puisqu'il ne pouvait pas voir sur son visage qu'elle était à côté de la plaque. Il lui demanda en combien de temps elle faisait un 100, et un 400 mètres. Elizabeth se mordilla la lèvre inférieure et passa doucement sa main dans ses mèches de cheveux. « Aucune idée. Il faudrait me chronométrer ». Elle maudit son client intérieurement, qui l'avait envoyée rencontrer le jeune homme sans lui donner aucune information. « Au stade, oui... forcément ! Désolée, je t'ai donné rendez-vous ici puisque je pensais que c'était pour un simple footing » s'excusa-t-elle en soupirant, « mais on peut y aller, je suis en tenue pour ma part. J'ai une voiture, je t'emmène ? » Elle attendit la réponse de l'aveugle en scrutant son visage, encore. Une sale habitude qu'elle allait prendre, si elle continuait comme ça. Elle avait déjà couru sur de courtes distances, elle s'en rappelait assez bien... c'était en cours, quand elle était encore adolescente. En cours d'éducation physique, ils testaient plein de sports différents, et elle était déjà prédisposée à faire de bons résultats car sportive, même étant plus jeune. « A l'école, on a testé plusieurs disciplines en athlétisme et si ça peut te rassurer, j'étais la meilleure de ma section pour la course et le saut en hauteur. Par contre, je suis très nulle au lancer du poids ». Elle laissa échapper un rire en se remémorant ces moments d'une jeunesse révolue, et se leva pour aller jusqu'à la voiture. « Je vais prendre ta main » dit-elle au jeune homme, lorsqu'il fut debout à son tour. Elle avait retenu la leçon. A présent qu'il était prévenu, elle glissa sa main dans la sienne et l'entraîna à sa suite vers son véhicule, Arko jouant son rôle à la perfection et vérifiant si son maître n'allait pas se prendre un obstacle à cause de la nouvelle venue.

Well lui expliqua qu'il ne faisait pas de footing dehors, c'était plus dangereux pour lui que de courir sur un tapis, en salle... ce dont Elizabeth aurait pu se douter, évidemment. Mais non. Il allait falloir qu'elle apprenne à penser comme si elle ne voyait pas, pour se mettre à la place du jeune homme plus facilement. Elle s'en sentait capable. Elle prit la main du jeune homme – non sans l'avoir prévenu cette fois – et l'emmena jusqu'à sa voiture. C'était bizarre de marcher avec lui, qu'elle ne connaissait presque pas, main dans la main. Elle vit une dame d'un certain âge les voir approcher et sourire en les regardant, et supposa qu'elle les imaginait en couple. Le couple... un concept inconnu pour l'escort, elle faisait fuir tous les hommes en révélant son métier secret. Arko monta à l'arrière, elle aida Well à venir à l'avant et démarra.

Une fois arrivés au stade, elle contourna le véhicule pour ouvrir la porte à Arko et à Well. Elle aida le brun à sortir, et lui prit encore la main pour marcher jusqu'aux pistes. Ici, elle le sentait plus à l'aise. Ils avaient un peu discuté de tout et de rien, sur le trajet jusqu'au stade, histoire de commencer à apprendre à se connaître. « Dis-moi, Well... est-ce que je peux t'avouer une chose ? » fit-il en marchant à ses côtés. De nouveau, elle l'observa et se mordilla la lèvre. Elle attendit sa réponse, bien décidée à lui dire ce qu'elle faisait de ses journées, quand elle n'était pas barmaid – ce qu'elle lui avait déjà dit, dans la voiture. « J'espère que ça n'aura pas d'importance pour toi, une fois que tu le sauras... mais je ne suis pas qu'une simple barmaid. Je connais Alexis parce qu'il a fait appel à moi, en tant qu'escort girl ». Ce n'était pas quelque chose qu'elle aimait raconter, elle n'en était pas spécialement fière... mais ça lui permettait de gagner assez d'argent pour vivre sa vie, et en mettre en plus de côté dans le but de devenir propriétaire un jour. Elle avait fait des choix : vivre chichement en tant que barmaid, ou vivre mieux... mais avoir une moins bonne estime d'elle-même. Parfois, c'était difficile de faire avec, d'autre fois moins. Quand les gens la repoussaient, notamment. Ainsi regardait-elle Well, à son insu, avec appréhension, en attendant sa réponse.