Leon, c’est l’histoire d’une vie cachée, hideuse, grotesque et inavouable. Un mélange malsain d’amertume, de haine, d’amour, de violence et d’incompréhension. Une race non viable, un sentiment de malaise, un gout acre, un vision aveugle. Un brouillon inachevé, des couleurs passées, des carcasses mal attachées. Un tableau de mauvaise facture dans un cadre d’or massif à la vue et à la critique de tout le monde. Une existante éhontée. Des rires et des larmes étouffées par des sanglots morbides, insensés. Des cris, des gémissements, des vibrations, des couleurs vives, mal coordonnées. Pathétique. Tout. Partout. Sans exception. Précaire, comme son équilibre, son esprit, ses envies, ses remords, ses désirs et regrets. Pauvre, comme la vie dans son âme, la joie dans son corps, la lumière dans ses pupilles froides et distantes. Maigre, comme les os qui charpentent son corps, comme la peau qui se colle à ses os, comme ce sourire si discret et malsain. Rage, de la vie, de la mort, du destin et du futur, du passé et des craintes. Belle, comme la seule lumière qui brille au fin fond de ses entrailles, comme l’azur de ses yeux, comme sa peau lisse et douce. Colère. Tristesse. Mal-être. Mort, mort, mort. Vie. Résignation. Espoirs, comme ceux qu’elle n’aura jamais, qu’elle ne verra pas, comme cette vie idyllique qu’elle ne vivra pas. Complaisance malsaine. Adaptation immorale.
Cracovie. Pologne. 24 septembre 1995.
« C’est dans les rues sombres et étroites qu’elle est née. Dans les bras d’une inconnue, certainement jeune et naïve, ne vivant que de son corps et de sa beauté. Arpentant les ruelles d’un pas déterminé à la recherche du client, du salaire, de la vie. Les jambes dénudées ou résiliées, caoutchoutées ou cuirassées, cachée de velours ou de soie. Les yeux charbonneux, les lèvres vermeilles, les cheveux en peigne, la peau en porcelaine. »
« D’un mélange mélancolique, d’une dernière nuit d’amour, d’un au revoir périmé, d’une idylle grotesque. D’un instant de tendresse. D’une union sacrée, d’une symbiose parfaite, d’une complémentarité infâme. Ou tout simplement d’une partie de jambe en l’air facturée à l’heure, sans restrictions. D’une pauvre prostituée des bas quartiers et d’un homme américain, trompant femme et enfant, sans culpabilité, d’un machisme éhonté. »
« Solitude. Amie de l’autre côté. Appel au secoure. Tu es celle dont le monde a besoin pour grandir, apprendre, s’effondrer et affronter. Ta noirceur est plus sombre que la faucheuse mais ta présence est rassurante. Ta compassion et bienveillance sont nulles comparables aux autres, tu es l’écrin de velours de toutes ses épées fougueuses. »
« Leon est née dans les bas quartiers de Cracovie, là où la pauvreté est majoritaire. D’une femme prostituée d’une quinzaine d’année, luttant contre les rébellions et la répression. Gagnant son pain comme elle le pouvait, subvenant aux besoins de sa famille, grands-parents, parents, frère, sœur, neveux et nièces. Elle est issue de l’union courte et fugace de cette jeune prostituée et d’un américain en voyage d’affaire, désireux de « gouter la chair fraiche de la Pologne », lui laissant un bébé. Dans ses conditions de vie, la jeune femme ne pouvait pas élever Leon, trop jeune, trop pauvre, trop immature, trop … d’oppression. »
« C’est dans un orphelinat de mauvaise facture que Leon à grandit, après avoir été laissé pour compte sur le parvis d’une église, un soir de septembre. La pluie habillait les bâtiments d’un velours sombre et froid, tachetés de points lumineux. Elle a grandi durant sept années dans cette église entre enseignement religieux des sœurs et apprentissage de la langue et de la culture. Mais un matin de février, la neige recouvrant l’intégralité de la ville, laissant pour mort les arbres, les fleurs et autres animaux, la vie lui fût ôtée. Ses espoirs, ses désirs, ses envies, tout lui a été pris. Son « oncle » est venue la récupéré pour la voir grandir et évoluer dans sa famille, retrouvant les siens. »
« A l’âge de 10 ans, elle était dans ses ruelles sombres et insalubres, les jambes dénudées ou résiliées, caoutchoutées ou cuirassées, cachée de velours ou de soie. Les yeux charbonneux, les lèvres vermeilles, les cheveux en peigne, la peau en porcelaine, le maquillage en moins. Sa démarche n’était pas tranquille, pas stable sur ces talons beaucoup trop hauts pour son corps, cette fourrure trop lourde pour ses épaules, ce vernis sur ses ongles. Leon était la réplique parfaite de sa mère, les années en moins. Ce fameux oncle n’en était pas moins un imposteur, trafiquant d’enfant. »
« Cet oncle a tenu à lui donner un bon niveau d’éducation pour faire d’elle « une pute de luxe », une poule aux œufs d’or. Lui apprenant l’anglais, l’espagnol et le russe, lui donnant les connaissances nécessaires pour évoluer avec des clients riches. Des cours d’histoire, de politique, tout en tapinant le soir, hiver comme été, pour satisfaire les bas quartiers demandeurs de ce genre de prostitution. »
« A l’âge de 16 ans, Leon s’enfuit de chez son « oncle », laissant les autres jeunes filles à leur débrouille. Dans ce milieu chacun sa merde, l’entraide n’a pas de débouchée. Trainant de bar en bar, usant de ses charmes pour obtenir un repas, un coucher et une douche. Voguant à travers les ruelles, récoltant de l’argent, mourant d’envie de partir, d’échapper à son passer. De quitter toutes ces choses qui lui rappel son histoire. Traçant son père. »
« Son premier vol, payé par ses charmes, était pour les Etats-Unis, espérant trouver l’asile. Assurant ses arrières, gardant contact avec des gens du milieu. Durant deux ans, elle a tapiné pour un club de strip-tease bas de gamme évoluant comme la préféré, la pouliche du gérant. Abusant de ses charmes pour rester auprès de lui, son premier amour, son véritable sauveur. Son âme-sœur, son tout, sa vie, son espoir. Son billet vers la liberté. Mais cet amour à bien vite fané quand cette âme-sœur est partie avec une autre, dans une contrée lointaine. »
« Leon a errée telle une ombre dans les quartiers à la recherche d’un travail, d’une âme qui prendrait soin d’elle. Elle a essayé d’aller à l’université, cependant ce n’était pas un milieu qu’elle connaissait se sentant différente, souillée. Alors, elle a cherché, encore et encore, dévorant les plus avides pervers narcissiques qu’elle croisait. Répondant aux désirs les plus lubriques, les plus malsains, se flagellant de l’intérieur, détruisant le peu de vie qui lui restait. Leon se démolissait graduellement, s’infligeant une auto-torture malsaine, infâme, dévorante. Elle essayait de s’oublier au travers de ces fantasmes ignobles, de se noyer dans la vase de sentiment que ça provoquait, de se sentir partir, de se sentir cassé, vide. Détruite. Mais rien n’arrivait à la faire partir, la vie s’accrochait à elle. La malédiction de la naissance. »
« Leon rencontra Mr.X. Spécialisé dans la prostitution de luxe. Au fils du temps cet escroc deviendra la figure paternelle qu’elle avait recherché parmi toutes ses aventures. Il deviendra son centre de gravitation, son espoir, ses envies. Cette personne permettra à Leon de retourner à l’école, d’approfondir ce cerveau surdéveloppé, de grandir, d’évoluer dans le monde qui est le sien. Mr. X, choisit et sélectionne les clients de Leon, protégeant sa pouliche du moindre écervelé. Elle ne connait rien sur lui, sur sa famille, ses proches, ses connexions, cependant il était bienveillant et chaleureux avec elle, répondant à tous ses appels au secours. Graduellement Leon sort de ce milieu mal fréquenté, sort de la drogue et du sexe à profusion. Mr. X souhaite qu’elle retrouve une vie normale, qu’elle puisse fréquenter des gens de son âge. Cependant le mal était déjà fait. Leon était brisée de l’intérieur, détruite et souillé. Si elle vivait aujourd’hui c’était pour Mr. X, son reflet lui donnait des nausées, son ombre la paralysait, son corps la hantait. »
« Sans connaitre Leon elle apparait comme une jeune femme joviale, heureuse, bien dans son corps et dans sa tête, pleine de joie de vivre. En ôtant la faible particule du masque, c’était les limbes, les ténèbres, la noirceur. Elle était pourrie de l’intérieur, détruite, meurtrie, disloquée, morte. Ses entaillent étaient parsemées de cicatrices, son cœur en miette, écrasé. Son corps ne subissait plus de maltraitance mais gardait des traces de son lourds et triste passé. Jonglant entre petite et grande cicatrice, du crâne aux orteils, en passant par l’entrecuisse, les omoplates, la nuque. »
« Aujourd’hui, elle cherche à se reconstruite mais ses démons intérieurs la retiennent prisonnière de son passé, l’enchainant. Mr. X est le seul élément à la maintenir à la surface sans qu’elle se noie. »
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