Il y’avait toujours des incohérences dans ma vie. Et certaines choses que j’étais bien trop jeune pour réaliser vraiment. Mon papi. Je l’aimais. De ça, j’étais sûre. C’était encore tôt pour moi. Et je m’inquiétais dès qu’il se penchait trop bas, dès qu’il avait l’air mal en point. Je n’aimais pas. Et pourtant, il n’était pas si vieux que ça. Dès que la porte s’ouvre, je vois mon papi, et je lui saute dans les bras. Je souris. Je ne fais que ça. « Bonjour, papi, contente de te voir. » Je disais au revoir à ma nourrice, en lui envoyant un bisou quand même. Mes bras autour de son cou, sans trop serrer, cette fois. Je faisais attention à lui. Bien trop, peut-être. Mais j’aimais ça, faire attention aux autres. C’était… Mon truc. Et puis, j’avais eu tellement peur, l’autre jour, fallait bien le dire. J’attrape le verre qu’il me tend, et commence à boire d’un coup. Juste avant de préciser. « Papi si jamais t’as mal quelque part, tu me dis, direct. Et j’appelle les voisins. » Je voulais que les règles soient établies dès le départ, même si je me prenais un peu trop pour une grande. « Que les choses soient bien claires ! » Réalisant ensuite que j’avais pris un ton très autoritaire, je me radoucissais, en lui prenant le bras. « Sinon papa il est pas du tout le mot que tu as dit là, même qu’il est très intelligent, mais après non je ne lui dirai pas que t’as dit ça. Est-ce que c’est un mot que je ne peux pas répéter ? » Je le savais insolemment, au fond. Mais je posais quand même la question, histoire d’être sûre. Puis… C’était pas tant que ça un gros mot, si ? « Et toi, papi crapaud d’amour, tu racontes quoi ? Tu vas bien, hein ? » J’avais alors dit crapaud en référence à la grenouille. Je connaissais. Je savais que c’était le mari. Enfin quelque chose dans ce genre-là. Mais j’aimais bien, moi, les surnoms. Et je trouvais que papi m’en donnait de chouettes.